23.11.21

Pourquoi Ouessant ?

Alors que le stand-by de Sails of Change (le plus grand multicoque de course jamais construit, ex-Spindrift 2) a débuté depuis le 1er novembre 2021 à La Trinité-sur-Mer, le choix de Ouessant pour le départ du chronométrage dès 1993 a toujours été lié à l’entrée de la Manche et celui du phare de Créac’h, à la longueur du parcours autour du monde pour le Trophée Jules Verne…

Certes l’initiative de ce défi autour de la planète-mer revient à Yves Le Cornec qui, lors d’un convoyage, remarqua que les grands multicoques des années 90 arrivaient à aligner treize nœuds de moyenne sur vingt-quatre heures, voir plus. Or pour aller plus vite que Phileas Fogg et son valet Jean Passepartout (« Le tour du monde en quatre-vingts jours », roman de Jules Verne écrit en feuilleton en 1872), il suffisait de tenir une moyenne de 11,25 nœuds sur un parcours direct (orthodromie) de 21 600 milles, soit 40 003 kilomètres correspondant à la circonférence de la Terre à l’équateur. 

Bref dès la fin de 1990, soit après la victoire de Florence Arthaud sur la Route du Rhum et celle de Titouan Lamazou lors du premier Vendée Globe, un petit comité se réunissait dans la péniche de Dany et Yvon Fauconnier, sous la houlette de « Mickey » (Yves Le Cornec), avec Jean-François Coste, Eugène Riguidel, Jean-Yves Terlain, Loïck et Bruno Peyron auxquels se joignirent Philippe Monnet puis le néo-Zélandais Peter Blake (auréolé de sa victoire lors de la Whitbread 1989 sur Steinlager) et le Britannique Robin Knox-Johnston (vainqueur du premier Golden Globe Challenge 1968-69).

Un parcours et un départ 

Olivier de Kersauson, le premier président de l’association « Tour du monde en 80 jours » défendit bec et ongles le port de Brest pour le départ, mais certains furent plutôt partisans du futur phare flottant imaginé au large de l’île d’Ouessant (mais qui ne verra finalement jamais le jour, au profit des DST : Dispositif de Séparation du Trafic). À l’issue d’une nouvelle réunion, le lieu le plus international possible fut déterminé logiquement comme étant l’entrée de la Manche, entre le phare du cap Lizard (référence pour le record de la traversée de l’Atlantique Nord entre New-York et la Cornouaille anglaise) et le feu de Créac’h au Nord-Ouest de Ouessant, le plus puissant d’Europe avec ses 60 km de portée (32 milles).

Ne restait plus que le parcours à définir, établi dans un règlement qui tient encore aujourd’hui sur une seule feuille de papier : il suffit de « faire le tour du monde en laissant à bâbord le cap de Bonne-Espérance, le cap Leeuwin et le cap Horn » avant de recouper la ligne de départ en sens inverse. Aucune limite de taille de voilier, de type de bateau (seulement propulsé à la voile), de nombre d’équipiers… Et comme tout reste symbolique pour ce Trophée Jules Verne inspiré par le romancier du 19ème siècle, l’association fut parrainée par le ministère de la Culture qui lança un concours afin de réaliser le Trophée : la sculpture de Tom Shannon ayant remportée ce challenge, est depuis conservée au Musée National de la Marine à Paris.

Un temps canon depuis 2017 : 40j 23h 30’ ! 

L’annonce officielle du Trophée Jules Verne fut ainsi faite le 20 octobre 1992 dans les salons du Yacht Club de France en présence de trois ministres : Jack Lang (culture), Charles Josselin (mer) et Frédérique Bredin (sports), en compagnie de Bernard Moitessier… Et depuis 1993, huit autres temps de référence se sont succédés après celui de Bruno Peyron (Commodore Explorer) : Peter Blake et Robin Knox-Johnston (Enza-New Zealand en 1994), Olivier de Kersauson (Sport Elec en 1997), Bruno Peyron (Orange en 2002), Olivier de Kersauson (Geronimo en 2004), Bruno Peyron (Orange II en 2005), Franck Cammas (Groupama 3 en 2010), Loïck Peyron (Banque Populaire V en 2012), Francis Joyon (IDEC Sport en 2017). 

Or en cumulant les meilleurs temps sur les six tranches de ce parcours autour de la planète-mer (Ouessant-Équateur, Équateur-Bonne Espérance, océan Indien, océan Pacifique, Horn- Équateur, Équateur-Ouessant), le total atteint 37 jours 02 heures 46 minutes… Un défi autour du monde ! Un record océanique n’est reconnu par le WSSRC (Word Sailing Speed Record Council) que s’il a été amélioré d’au moins une minute (article 19.c). 

Sails of Change est en stand-by à La Trinité-sur-Mer depuis le 1er novembre 2021 et ce jusqu’au 15 janvier 2022 : trois codes signalent la situation avec le « code rouge » indiquant que la « fenêtre météo » n’est pas favorable, le « code jaune » signifiant qu’un départ est envisageable dans les 72 heures et le « code vert » précisant qu’un départ est très probable sous 24 heures. Depuis ce mardi 23 novembre, l’équipe est en code jaune.

Il ne reste alors plus qu’à rallier la ligne de départ du Trophée Jules Verne devant Ouessant, où le représentant français du WSSRC (Claude Breton) prend soin de suivre la trace du bateau sur le « tracker » de Yellow Brick, car depuis la tentative de Thomas Coville autour du monde en solitaire en 2016, le chronométreur n’a plus besoin d’être présent devant le Musée des Phares & Balises de Créac’h… Auparavant, il lui fallait visualiser le bateau depuis le phare (donc à moins de quatre milles, soit à moins de 7,4 km des côtes de Ouessant) pour pouvoir déclencher son chronomètre !

Équipage 2021 de Sails of change

Yann Guichard – skipper
Dona Bertarelli – reporter embarquée 
Benjamin Schwartz – navigateur
Jacques Guichard
Xavier Revil 
Duncan Späth
Jackson Bouttell 
Thierry Chabagny 
Grégory Gendron 
Julien Villion
Yann Jauvin 
Jean-Yves Bernot – routeur à terre

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